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mardi 26 mars 2024

Par la force du doute.

 La chronologie des années qui nous occupe : bruyante période, où le repli sur soi s'accommode indécis, à l'unisson des silences raisonnables. Comment modeler notre compréhension  dans un monde si agité ? La  tentative du parfait  risque prudemment de se regrouper pour éviter de se perdre dans  l'assourdissant concert ambiant ? Les trompettistes d'une incertaine renommée s'égosillent sans modération pour imposer leurs charivaris.  Penser. Oui, penser entouré par la richesse des soupirs muets en contact avec la réflexion des notes venues de la quiétude. Partir en quête des lumières de la vérité, tout en sachant que nous n'atteindrons jamais la perfection et l'éblouissement de l'extase suprême. Cependant, ne jamais renoncer. Alors, tel un inlassable pèlerin dans sa recherche du Graal, marcher, marcher encore et toujours vers ce salut spirituel. Au regard de cela, heureux ou dépouillé d'une ultime espérance,  avançons-nous jusqu'à la porte du temple.  Contemplatif, laisser entrer,  silencieux, le sermon des cathédrales :  rempart de toutes nos croyances soumises aux rituels et dogmes du credo. La soif d’authenticité s'autorise des escales-méditations dans des havres explorés par tant de dévotions et de patenôtres. Puis, simple apatride, enrôlé sur des lendemains et des retours, querelleurs, fidèles à nous-mêmes, activons nos pas. Oui, avançons-nous libres sans répit, afin de vaincre chacune de nos faiblesses, et l'ensemble de nos doutes.  Infatigable, notre course crée la révélation du chemin vers la lumière.


dimanche 21 mai 2023

ECLAIR

Un éclair s'évanouit sur l'harmonie de l'univers. Vif, agile, pétillant, il interroge sans délicatesse la beauté fugitive. Il expose son éphémère splendeur discrètement par la patiente flânerie d'un mythe maquillé de légendes. Puis, tel un mirage, il s'épanouit en bordure du cœur avant d'arroser les fleurs de l'âme et nous prendre par la main sur le chemin, là, où s'embarque l'ineffable éternité.


lundi 27 février 2023

Mamie et une 2CV au cirque.......de Navacelles et ailleurs!

 Ce matin aux limites de la nuit, malgré un réveil, prisonnier des brumes nocturnes, mes pensées se bousculent dans un désordre presque parfait pour me laisser croire avec suspicion à la vérité d'une lumière criarde. Une odeur aigre, pénétrante, certainement tenace, magicienne et alchimiste alerte les merveilles d'une hypothèse et lève le voile parmi l'univers fantasque de l'enfance. J'ouvre en grand la fenêtre, soucieux d'aspirer un grand bol d'air vif et léger aux effluves montagnards cévenols. À mon immense surprise, un brouillard enveloppe de fragrance inhospitalière tout l'environnement de la petite place. Les souvenirs se  complaisent à rester têtus, ils me transportent sans réclamer mon consentement vers ce temps des culottes courtes où devant la forge j'admirais le travail  puissant du maréchal-ferrant.


Un cheval, le regard anxieux, un peu nerveux, une patte soulevée par celui qui doit être son patron : attends. Le maréchal-ferrant avec la précision et la précaution d'un maître méticuleux vient de déposer l’acier incandescent sur le sabot de l'animal. Aussitôt se dégagent d'épais nuages d'une fumée compacte à l'odeur désagréable. Par petits coups méthodiques,  l'artisan affine et achève son travail de préparation.  Puis, d'un geste rapide, il saisit avec une pince le fer et le jette dans un sceau où se laisse entendre un court bouillonnement et s'échapper un tourbillon de vapeur. Tout redevient clair, pur et silencieux. Maintenant les sabots du cheval peuvent recevoir définitivement un ferrage flambant neuf.


Quel remue-ménage s'invite et en un tour de main s'esquive sans crier gare du petit landerneau de mes fantaisies de château en Espagne! Terminée l'odeur insipide d'une fumée échappée du sabot d'un pauvre bourrin, oublier la suffisance d'un maréchal-ferrant artiste d'un ferrage parfait : que galope la liberté. Me voici, chevauchant à cru un magnifique pur-sang. Il m'emporte selon son idée sur le vent de l'horizon. À cet instant, un coup de mistral capricieux dessine un panorama impossible à définir jusqu'à   m'abandonner, pantois devant les élucubrations de l'esprit. Mon pur-sang ne se soucie pratiquement pas, dans sa folle cavalcade, de m'abandonner, le séant en feu déposé sur une branche, les jambes en balançoire dans le vertige du vide et estourbie par la violence de cet atterrissage. Quelle suite laisse présager de ce belvédère incommode ?


  Des lubies de mon esprit traînassent encore sur une multitude d'hypothèses. À un certain virage du hasard, il  deviendra important de choisir un autre défilé ou un chemin insolite. La coïncidence s'habille-t-elle de fatalité ou de chance ?


Permettez que je vous embarque, malgré quelques résistances de votre part, dans un bolide dont les bruits du moteur s'énervent des cliquetis de la mécanique. D'ailleurs, les caprices tortueux d'une route pas si plate selon vos désirs troublent vos émotions bercées par les oscillations du véhicule.


Mémé, par une loufoquerie que son âge venait d'accepter sans trop rougir, se pâmait avec une certaine insolence et sans retenir un sourire vainqueur, devant une 2CV d'une autre saison : sans aucun doute, une superbe occasion. Voilà le cadeau convenu pour ses deux petits fils, tout juste titulaire d'un carton rose en poche, pour conduire ce bolide sur les longs lacets des routes tortueuses de nos montagnes. Largesse du cœur: mais avec une obligation de promener cette vieille dame trop curieuse des paysages à la ronde. Le temps de sa jeunesse, uniquement pédestre, ne lui permit pas d'estimer  diverses grandeurs panoramiques. Alors, sans se priver, elle suppliait les deux  gaillards de petit fils à s'occuper de temps à autre de leur Mémé. Cette situation la faisait sourire en catimini, car elle voyait avec une certaine jubilation qu'au volant de cette superbe auto les naïfs garçons voulaient parader. Leur regard complice s'échappait à juste raison,vers d'autres bouquets en pleines fleurs, bien plus aguichants que de trimbaler une ancienne beauté dont les pétales s'évanouissent sur la route par le vent de la vitesse.


La vieille dame depuis tant d'années entendait autour d'elle glorifier la grandeur du cirque de Navacelles. Donc , sa première escapade en 2CV la conduirait voir le spectacle du cirque avec ses petits enfants. L'art de maîtriser avec dextérité les chevaux mécaniques n'imposait aucun secret pour la jeunesse. La route déroulerait son  ruban de bitume sans la moindre difficulté pour nos as du volant.


L'approche de cet événement, pour la dame, plus toute jeune, offrait une formidable opportunité de babiller à longueur de journée avec tous, n'importe qui, même des inconnus lors de ses sorties  dans le centre du village. Les heures s'écoulaient  insensibles dans l'oubli d'une certaine réalité. Bientôt, dans chaque foyer du  pays blotti dans la discrétion de nos belles montagnes, personne n’ignora la future excursion jusqu'au cirque d'une grand-mère avec encore quelques caprices de débutante . Avec une classe familière authentique, avec une miette de sans-gène, ce petit peuple de trois personnes se hasarda avec aplomb vers l'ailleurs tant désiré par la turbulente aïeule. Tout le long de la route, les indications ne contredisaient pas la destination. Peu avant le terme du voyage, par malice, nos deux jeunes gaillards stationnèrent la 2CV hors de la vue panoramique du cirque de Navacelles. Là, pour la surprise, ils mirent autour des yeux de Mémé un bandeau et bras dessus, bras dessous la conduisent à l’extrême limite du vide vertigineux.Puis dans un geste majestueux,  ils retirent le foulard qui cache le regard   de leur grand-mère. C'est alors que s'entend dans un cri de déception : vous osez me montrer un grand trou dans la montagne pour me faire croire à un cirque. Je n'applaudirais qu'un vrai spectacle avec des trapèzes, des animaux féroces, des clowns, enfin où se trouve le chapiteau ? Vous vous moquez de moi , vous ne respectez pas mon grand âge. ? 


Alors, dans un éclat de fou rire jubilatoire, nos deux jeunes hommes s'expriment pour une première fois à leur grand-mère avec cette appellation miracle : « Mamie » . Cette élégante et affectueuse façon change dès cet instant, la force d'une relation en un acte profond de tendresse et d'amour. En ce jour, au bord du précipice, beauté envoûtante de Navacelle, par un vertige de bonheur,  trois candides  se congratulent, avec une invisible bonne fortune. Depuis, sur les routes aux échappées inouïes de leurs chères Cévennes, Mamie et le plaisir de deux petits grands enfants se rencontrent dans des recoins trop souvent ignorés de leurs sublimes contrées. Moteur, vrombissant, assis dans un confort spartiate,  la 2CV brinquebalante , entraîne et exulte l'émerveillement du regard de nos valeureux excursionnistes. Rien ne donne l'impression de lassitude à cette équipée hétéroclite qui déboule de nulle part pour d'autres ailleurs dans un sourire au ricanement métallique d'une guimbarde, taxi d'une jeunesse sans-souci sur l'équilibre des âges. 


Quand la saison se mit à glisser sans trop de frénésie vers les chatoyantes nuances de l'automne et les jours se rétrécir, sans regret s'envisagèrent d'autres sorties moins aventureuses, mais toujours aussi attractives. Comme  une souvenance, quelques affiches aux couleurs aguichantes annoncent la surprise prochaine du spectacle d'un cirque. Sans rien laisser prévoir nos deux jeunes garçons, tout dévoués aux caprices de la dame, leur superbe « Mamie », la date fixée pour le divertissement kidnapping sans aucune politesse, la « Mémé » dans un mutisme parfait, angoissant pour la victime. Par-ci par-là, avec des fous rires gamins et espiègles, ils trimballent « Mamie » qui ne comprend rien et commence à s’inquiéter de cette folie. La 2CV passe et repasse sur des routes aux configurations têtues des Cévennes. À l'exact instant d'un virage, surprise du parcours :  sommation impérative, les garçons réclament que « Mamie » dépose sur ses yeux le masque noir pour une vision impossible de fin de voyage. Aucune contestation : un ordre reste une injonction non discutable « Mamie ». La vieille dame s'exécute malgré une confiance fragilisée. Les chers petits enfants par habitude ne prononcent pas de diktat aussi tyrannique. La 2CV bourlingue, tangue, sursaute, victime du relief sinueux et tourmenté des  routes de montagnes. Ce voyage, le dernier, va certainement se terminer dans un grand fracas au fond d'un ravin et trois âmes innocentes s'élèveront vers les étoiles sur le long, très long chemin d'une éternité. 


Non, mais non. Le bolide stoppe par un hoquet poussiéreux à soulever le cœur, sa course fofolle de branquignol. Alors s'entendent les gloussements nerveux du rire des deux garçons. À cela s'ajoute tel un compliment la phrase magique : 



                                ICI COMMENCE LE SPECTACLE !.


« Mamie » enlève ce bandeau noir, il te cache la vue, cela n'a plus de raison d'être. Maintenant, ouvre tout grand tes mirettes. Demeure attentive à tous les sons que tes esgourdes s’apprêtent à capter comme un cadeau porteur de rêves. Contemple cet immense chapiteau, posé, là devant ton regard surpris et déjà émerveillé. Le cirque n'attend plus que ta présence pour, au son d'une musique endiablée, inviter le spectacle à rentrer en piste.


« Mamie » vient de prendre place auprès de ses deux petits enfants, déjà beaux jeunes hommes qui ne la rendent pas peu fière par leurs gestes prévenants, presque galants. Confortablement assis sur des chaises en bordure de la piste, notre groupe de trois personnages atypiques, uniques et pittoresques, le regard à l’avance dans une féerie d'images et de sons, écarquille les yeux sur les couleurs de la parade qui commence. Sur le balcon, juste, au-dessus du bord de la piste, un orchestre par les notes de trois capricieuses trompettes en appelle,  à une quelconque subtilité de renommée. Le public s'abandonne sans réticence aux jeux remarquables et uniques de chaque artiste. À l'instant, par un claquement vigoureux d'un fouet  apparais dans un habit de splendeur, une charmante amazone bien décidée à diriger la cavalcade des quatre magnifiques chevaux au pelage luisant d'un noir intense.  Nous voilà projetés dans l'oubli du présent pour rejoindre la fantasmagorie du cirque : sourires, frissons, magie, envoûtement, ivresse et bien plus encore. Ici, tous les qualificatifs du bonheur se succèdent à une cadence irraisonnée par des imprévus de miracles aux multiples facettes. Seul le centre de ce  jeu  artistique occupe le cercle devenu piste dans une brillante auréole de lumière. Là, tambourine sur l’extase d'un éclat de rire jusqu'au déchirement d'une larme, sans répit, toutes les émotions d'une parade aux perspectives ancestrales et modernes.


Ainsi, se présentent sur un temps oublieux des contraintes précieuses d'horloge, un espace d'insouciance et de divagation entre songe et utopie. Tout en haut ,un trapèze volant  se balance, à droite, à gauche, dans le néant profond d'un vertige du regard. Puis s'élève comme prévu un soulagement par un tonnerre d'applaudissements afin de saluer les voltiges originales et inouïes des artistes si légers et fragiles dans l'inutile vide. L'envoûtement, le magnétisme de chaque tableau de cette fête courtise avec tact la moindre émotion d'un public sous l'emprise cabalistique des impératrices et rois du cirque. Ensuite, pour l'agrément: une scène sadique. Un ensorceleur tout déguisé de noir par de vastes gestes illusionnistes qu'il souhaite sanguinaires s’apprête à découper le corps d'une belle jeune fille. Pourtant, cette victime  reste toute en sourire inconsciente du sacrifice qui se prépare. La musique jusqu'alors invisible s’empare de fanfares angoissantes et un voile sombre paralyse de frissons l’assistance. Les tambours et leurs intonations pathétiques s'invitent dans l’effroi. Puis par la percussion d'une paire de cymbales, tout s’éteint dans un éclair de bravos. Le suspense s’effiloche brusquement sur l'ouverture d'une autre page. 


Dans un galimatias compris par lui seul, déboule alors un farfelu aux grands pieds dans des chaussures de tailles démesurées et vêtues d'habits un peu vastes et de teintures criardes. D'une voix bien sonore, mais un tantinet bafouillée sur des mots trop savants, il prononce des vérités éléphantesques impossibles à vérifier sur l'instant.


Oh !  Oh ! Ferme ton clapet à bêtises l'Auguste, ainsi s'annonce dans toute sa suffisance le Pierrot. Le voilà, tout propret, dans son costume blanc, le visage maquillé, couleur cachet d'aspirine, ou en solitaire le bout du nez resplendit d'un rouge puissant, tel un bourgeon d'une probable rose rubiconde. Monsieur parle en s'écoutant et cela le gonfle de plaisir . Lui Pierrot par son érudition  ne veut surtout pas se comparer à n'importe qui, et, en particulier, nullement à l'Auguste. Son instruction le met en valeur et cela ne fait aucun doute.


Pouf, pouf, dit alors l'Auguste avec un air narquois en s'adressant à Monsieur Pierrot  «  ton présumé, savoir, tes fanfaronnades, tes esbroufes, un jour vont t'éclater, la tête,et après plus un mot : silence. Cela me fera des vacances. Au revoir pédant, fieffé cuistre ».


Mamie rayonnait dans un mélange d'euphorie et d’effervescence agréable à observer pour les deux petits fils coupables de la surprise de ce divertissement. Comme chaque événement qui jalonne notre quotidien, il faut accepter son point final. Il se transformera, selon notre soif de connaître, en aventures d'autres suites qui se courtisent entre l'extraordinaire et le banal. Pour d'autres, sans curiosité et étrangers aux moindres illuminations de l'esprit, ils ne prolongeront leur absence que par le silence d'aucun penchant de rêve. Mamie, à l'inverse des langueurs de vague à l'âme, la tête encore dans les étoiles de la féerie du cirque, prévoyait déjà sa réponse aux derniers cadeaux que ses grands petits enfants venaient de lui offrir. En compensation, l'impressionnant panorama du cirque de Navacelles lui procurerait l'occasion d'excuses d'un premier regard moqueur à l'égard de ce lieu à couper le souffle.


Sa riposte cherchait déjà, parmi les méandres d'un bon sens de l'esprit, un cheminement inattendu sur des fantaisies hors du commun. La surprise devrait s'ensorceler d'une cavalcade improvisée et ahurissante afin de soutenir les plus folles promesses, même celles difficiles à imaginer.


Dès le lendemain du spectacle des gens du voyage, Mamie, malgré quelques étoiles difficiles à éteindre dans son merveilleux regard, donna l'impression de séjourner dans un univers singulier. Pouvait-on imaginer de très nombreuses et nouvelles occupations envahir l'ordinaire des habitudes de cette pétulante personnalité locale? Quand un voisin, une connaissance un peu gourmande de curiosité lui demandait les raisons de  cette inaccoutumée agitation, sa seule réponse : un mutisme complet parfois pris pour quelques prétentions outrancières. Allez savoir ce qui mijote dans une cervelle aux multiples anniversaires chamarrés de parfums plus ou moins baroques. 


Tout selon l'excitation de Mamie paraissait cependant, sérieux, réfléchi, responsable, officiel, solennel, mais malgré cela bien caché, secret, discret, très discret. Rien, absolument; rien ne filtrait des instances administratives que Mamie fréquentait désormais assidûment. La mairie muette, la sous-préfecture dure de la feuille. La gendarmerie par obligation toujours sur le qui-vive, ne s'avisait de prononcer aucune injonction, aucun ordre. Black-out sur toute la ligne.


Que conspirait cette chère Mamie ?  


( En librairie "En deudeuche, Mamie au cirque ...de Navacelles" Editions Nombre 7. Roman 62 pages 11€)




jeudi 27 octobre 2022

Percussion des mots.

 





La délicate clarté lumineuse d'un matin simplement ornée de quelques larmes de rosée, distille les soupirs réguliers d'une balançoire agacée par des soupçons d'un tranquille alizé. Une splendeur orientale se met discrètement en place . L'invisible et lointaine chasteté océanique voudrait provoquer l'envol de grandes ailes captives par une complicité ordinaire. L'horizon cherche une issue pour s'égailler dans l'infini d'une émotion. Puis, sur une harmonie presque muette, mais peu s'en faut ensorceleuse, se manifeste le flou d'un rêve sans destin. Par un geste nébuleux sans commune mesure avec la force du réel, cette langoureuse musique s'enveloppe dans des draps déjà froissés par trop de couleurs nocturnes où filent les dernières toquades de mon étoile.


27/10/2022


mardi 20 septembre 2022

Ainsi se révèle le poète.



Le Regard s'habitue sans précipitation à l'ivresse de la profondeur. Il nous conduit sur le fil d'une frontière invisible et les soupirs confidentiels de l'âme. Cet instant de silence n'orchestre aucune angoisse. Tout au contraire, il nous invite à participer à une conversation ou chaque mot s'habille avec la perfection des formes, que s'apprête à toucher la sensualité d'une divine caresse. Le reste du visage s'appuie sur la beauté du calme et l'harmonie gourmande d'une très longue sagesse. Ici, agréable surprise, s'ouvre la fraîcheur d'une rosée matinale jusqu'au bout d'un ultime éclat d'étoiles dans les yeux qui délivre l'élégance de l'esprit. La musique de la voix se dévoile derrière la dérobade d'un sourire fasciné par la ruse d'une pirouette.

Tel se présente par cette singularité authentique, le délicat réconfort de la poésie de Christian BOBIN.


20/09/2022

mercredi 24 août 2022

Méditation du banc public et son miroir

 

Méditation du banc public et son miroir.


Après quelques longues années, presque hors de la mémoire, sans trop bousculer la configuration de cet ailleurs, Aumessas n'entend plus les trains s'essouffler pour parvenir dans un ultime soupir à la modeste gare du village. Les rails, parallèles en continu, pour évoquer l'ivresse de l'évasion n'impriment plus sur le sol le ruban métallique. Pourtant, aujourd'hui, ce point d'escale, s'il ne sert plus d'embarcadère pour des voyageurs, reçoit la visite de nombreux curieux. J'attends déjà vos interrogations un tantinet ironiques contre les campagnes ?

L'abandon du chemin de fer reste une trahison. Pour certains, la passion du pays chevillée au corps, s'autorisent d’originales audaces. Par amour de ces obstinés, fiers de leur terroir, la vie a repris un nouveau panache sur les traces exprimées par l'aventure du train. Désormais, le lieu s'habille de nombreux arbres. La patience du temps offre aujourd'hui un îlot de fraîcheur, de détente pour les promeneurs du dimanche et des touristes à l'accent bizarre.Quelques banquettes judicieusement disposées s'invitent pour un arrêt. Là, sans rien exiger de plus, contempler l'harmonie qui se révèle à la curiosité de notre regard. Ici s'ouvre le monde secret de nos pensées en communion avec cette douce musique que nous envoie la nature triomphante.Qui, par un toupet malicieux, osa dans ce cadre idyllique, agrémenter le lieu d'un minuscule plan d'eau avec en son milieu un banc. S’asseoir sur ce siège réclame de se mouiller les pieds avant de savourer un relâchement mérité malgré les sourires insensés des timorés. Il suffit du culot de la jeunesse sans politesse pour des culs-bénits ou de la folie de l'autre versant de l'âge déjà un peu fêlé, pour oser se montrer, assit les pieds à la fraîche dans un tel endroit. À mieux observer les couples aventureux de cette chance de frivolité : la différence se découvre selon l'âge des contrevenants. La bienséance morale des règles, s'applique-t-elle vraiment ?

Un couple plein de pétulance, d’insouciance par la grâce de son printemps, se permettra la niaiserie d'une tempête pour briser ce miroir d'eau. Pourtant à cet instant, si une miette de modération venait à calmer cette ardeur, la prestance du futur laisserait un goût amer de rides prochaines se révéler sur la tourmente de l'eau. Oh ! Joli miroir, apprends-nous les valeurs complices du temps sans trop nous condamner à l'affront des bourrasques de larmes et de froid. Pardonne l'étourderie de la jeunesse dont le regard ne s’inquiète pas du devenir. Néanmoins, sans aucun soupçon de faux silence s'ébruitent les métamorphoses de nos saisons sans la moindre chance de sursis. Pendant l'espace de ce court moment qu'éternise la nonchalance des premières années, certains s'habituent déjà avec le sérieux de la fleur de l'âge. Ils s'étonnent avec en pointillé une grimace au goût amer, simple ombre sur le visage, petit défaut encore dissimulé d'une attaque sans charité du monde des rides. Sans un soupir de repos, les caprices du temps cisèlent l'insulte de nos imperfections avec dextérité et la patience de l'artiste en quête de la pureté de son œuvre . Parfois, il s'honore d'un répit pour nos attraits, merveilles insouciantes aux atteintes des années qui s'écoulent sur des demi-teintes mélancoliques. Regarder devant soi, sans cesse fixé sur le présent sans flirter sur la chansonnette morose d'un passé déjà en fuite. Sur l'aventure d'autres lendemains, le futur s'abandonnera du matin au soir sur la patience d'une horloge du trop tôt du trop tard. Vivre sans limite, mais exister pour jouir maintenant, peu importe la grimace des rides.

Abandonnez-vous à la consécration du calme intérieur, siège de la modération vertueuse. Faussez compagnie au regard complice de toutes les vanités et fatuités, souvent m'as-tu- vu de votre propre miroir. Ne mettez pas en pièces par une abusive colère, la justesse de votre propre reflet. Initiez-vous à la noblesse d'un visage vrai, jusqu'à offrir à la ronde la pureté du cœur ? D'un pas sans crainte, avancez-vous, vers la lumière. Le bonheur se cache avec une parfaite élégance : lueur timide d'une modeste lanterne. Elle éclairera vos ténèbres. Sa flamme délicate, sensible au moindre tourment, embrasera d'étoiles le dénouement de la nuit où se fourvoient vos angoisses. Ô, miroir qui ose traverser ton reflet ensorceleur, qui se pose cette question: qui s'agite derrière ?


JP D'ILLIBERIS


Dépôts numériques N° D 48393-17038



















dimanche 17 juillet 2022

Ainsi se croisent nos parallèles (chapitre10)





10

Sans donner l’impression de commencer par des doutes, ce qui par les circonstances se targuerait d’intentions de méfiances, Rankei avec calme demande à Arthur et Clotaire de dire la vérité de leur présence sur ce bateau.

Sans la moindre hésitation, Arthur et Clotaire se lancent sans réfléchir à une quelconque réserve, dans le récit de leurs mésaventures, depuis la fuite indigne d’Esparon, jusqu’à la réception brutale sur cette plage. Ils n’esquivent aucun détail. La vérité, rien que la vérité nue malgré leur bassesse, leur zèle, leur énergie, ce courage qui les anime face aux lâchetés d’un capitaine sans scrupule.

Par ce courage retrouvé sur la fortune des mots, Arthur et Clotaire dévoilèrent leur cheminement par un long récit ouvert par le laisser-aller d’un sourire, suivi de sombres déconvenues.

D’abord pour disposer de la surprise du décor se manifeste la discrétion d’une liaison indélébile avec la puissance de la montagne. Elle grave dans le cœur de ses enfants, pour toujours, la mémoire de ses formes audacieuses, ses valeurs, ses raisons. Elle calme nos violences par la fraîcheur de ses sources. Elle chasse nos mauvais rêves, dès l’innocence d’un matin, par l’élégance d’un souffle d’air pur. Chacun de ses caprices dessine l’harmonie du contour de ses sommets, de ses collines, du détail de ses vallées, jusqu’à captiver nos passions par l’aventure d’une larme portée par l’émotion.

Ils arrivèrent sur une suite d’erreurs et de catastrophes ici où rien ne s’imprime encore sur les frissons de la mémoire. Ils découvrent alors la grandeur de l’amour : parler du petit village de leur enfance. Pourquoi s’enfuir quand tout se déroule avec l’harmonie des jours et la chaleur du cercle d’une famille ?

Le début des saisons souriantes rendait impatients chèvres et moutons. Berger, voici la belle aubaine d’une occupation ancestrale où vagabonde l’esprit de la jeunesse en quête d’ailleurs. À cela s’ajoutaient quelques menus apprentissages de culture ménagère. Tous ces travaux participaient au bien-être commun. Chaque jour, leur principale contribution s’activait, avant tout de mener leur troupeau sur les pentes verdoyantes d’une riche et abondante herbe sous la canopée des châtaigniers séculaires à proximité des quelques maisons du Caladon. Pourquoi, lorsqu’un environnement idyllique nous gratifie de ses dons, une envie d’ailleurs s’invite-t-elle sournoisement ? Cette vie réglée avec l’harmonie de satisfactions simples permit malgré tout de semer, dans les jeunes cervelles, l’intérêt de perspectives aux images brillantes et colorées. Cette foucade un brin stupide les retrouva, avec la gaieté liée à leur âge, sur des chemins où se cachent des ombres trompeuses, des sourires venimeux. Les premiers jours de cette escapade décernèrent sans trop de fausses notes leurs lots de satisfactions et ainsi, s’effacèrent les derniers soupirs d’un vil abandon familial, des amis, du pays. À l’extrême limite du chemin de nos jeunes sans-souci, la mer présente sa frontière où murmure le perpétuel ennui des vagues. Sur le bord de la plage, fidèle à une suite logique dans ses idées, le capitaine d’un vaisseau, la tête déjà pleine de vieilles entourloupes attend une prochaine provision de victimes. Arthur et Clotaire écoutent avec gourmandises d’alléchantes paroles auxquelles s’ajoutent des surenchères invraisemblables de ce tenace bourlingueur des flots. Sans trop ressasser la valeur des serments de cette fripouille, ils embarquent sur ce poussiéreux rafiot, pour découvrir sans tarder le piège de ce voyage. L’attente naïve d’un lointain enchanteur vient de leur jouer une sale farce, sur la suite de cette fugue. Sans plus de courtoisie, les voilà devenus esclaves sous le joug du maître à bord crachant à tout va des ordres de corvées. Une seule solution : fuir ce traquenard dont les portes restent pourtant grandes ouvertes, oui, mais sur les flots, vaste étendue prête à vous engloutir dans une autre prison. Réfléchir, trouver un au-delà vers la liberté plus raisonnable se glisse comme une hantise silencieuse entre eux. Épier avec modération la sagesse et le sang-froid de la patience afin de vaincre par le courage l’occasion de s’affranchir sans une larme des griffes de cet ignoble individu.

Sans que la chance se manifeste d’une allure claire, il s’accomplit de temps à autre, avec une discrétion divine qu’un atout providentiel s’offre à une main secourable. Ce coup merveilleux du sort, en prendre possession aussitôt et oublier sans gamberger l’inutile du moment. À son début, la tempête se présente comme un prétexte de fuite, qui au-delà de toute espérance s’applique à bousculer jusqu’au dernier plan d’évasion. Sans politesse, une déferlante sauvage jette par-dessus bord nos deux vulnérables jeunes hommes pour les charrier sans ménagement comme de vulgaires débris sur le dos de la furie océanique. Les tourbillons féroces de ce cyclone, sans précaution ni égard les emportent, puis les abandonnent au loin, sur un banc de sable, fragile esquif au milieu du courroux des éléments endiablés.

Arthur et Clotaire se taisent, ils ne trouvent plus de mots, parfois il fallut même les aider avec pudeur et tact quand des propos butaient sur des émotions trop fortes. Maintenant, une pause s’oblige à observer un temps de non-bavardage. Les pensées galopent seules sur les secrets intimes. Ainsi s’apprend à décrypter une exacte retenue. Ce silence n’a rien de pesant. Il libère.

Comme un baume adoucit la douleur, un murmure s’aventure sur la délicatesse de paroles choisies.

Par l’avantage du panorama que déploie à leur pied le mont Shôjôgatake, le bonze Rankei observe pour son jugement chacune des différences afin de sentir et comprendre la sensibilité des êtres. Sa voix apaise. Elle raconte avec justesse la fin de la tempête. Deux corps, apparemment jeunes, vêtus de guenilles, gisent abandonnés sur la plage. Miracle ! Ils respirent, ils vivent, clos dans l’inconscience. Sans plus tarder, les transporter jusqu’au monastère et assurer les premiers soins. Arthur et Clotaire pendant trois jours délirent, s’agitent le teint fiévreux. La vie grâce à l’adolescence réclame sa part et n’abdique pas devant cette infortune du sort. Il reste tant de féeries à fréquenter.

Rankei, avec parcimonie, ménage la portée de ses propos, avec en plus l’habileté d’une sagesse habituée au sacré. Il parle de ses obligations et de la vie monacale de la petite communauté. Puis, il s’accorde sur la solidarité qu’il doit assumer dès à présent vis-à-vis de nos naïfs naufragés. Il ne peut abandonner, nos jeunes amis, maintenant perdus dans un monde si éloigné de leur terre mère. Il ne provoque l’agressivité d’aucune réprimande à l’égard de l’insouciante : fragilité de l’adolescence. Il tremble à simplement imaginer le long voyage qu’il faudrait entreprendre pour ces encore un peu gamins, s’ils leur prenaient l’aventure afin de refaire le chemin du retour. Sa conscience, habituée à la prudence des réflexions éclairées, lui interdit de laisser à nouveau s’aventurer sur des routes inconnues, où se rencontrent des pléthores de traquenards, l’envie aléatoire de nos amis.

Arthur, vient-il de dévoiler les murmures secrets des préoccupations morales de Rankei. Une question s’achemine sur l’écho de sa voix : puis l’entendre prononcer « combien un voyage vers le retour des côtes de notre pays nous demanderait-il de jours ».

Le moine Rankei examine par la grâce d’un profond silence les incertitudes qui se bousculent et tourmentent Arthur. Homme de prière, il s’interroge comme s’il désirait lire à cet instant, les doutes et les espoirs d’une demande. Elle vient d’être suggérée par la chute d’un cœur en errance. Il entrevoit dès ce moment qu’une réponse trop rapide peut devenir un sourire ou une larme. La bonté de son âme connaît la portée des mots justes pour redonner la confiance. Il utilise ce pouvoir avec harmonie et sagesse.

Grave malgré le ton du langage qu’il souhaite léger, porteur d’optimisme, Rankei déclare : comment le temps s’estime, selon tous les aléas du hasard. Il suppose, parfois, la menace du jusqu’au-boutisme, du matamore, ou ne se prive pas des incertitudes promises par des caresses de canailles. Rejoindre votre terre de France ne se mesure pas sur la clarté du lever jusqu’au coucher du soleil. Cela s’apprend sur la durée des saisons, donc avec la persévérance. Partir comme à présent sur le doux sourire printanier, le réveil de la nature deviendra un compagnon idéal pour forger le courage. Puis, poursuivre sous les feux torrides de l’été, sans jamais réduire l’allure d’une navigation sur des eaux trop calmes où se traînent l’ennui et l’inquiétude. Continuer, brillant de sueur, la peau brunie et lustrée, torse dénudé, où se dévoile l’esquisse de muscles virils, sous les ardeurs d’un soleil impitoyable. Toujours, s’avancer sans protester sur tout, et n’importe quoi. Découvrir comme une étrenne par la surprise fraîche d’un matin, quelques larmes de rosée sur l’avant-goût coloré de l’automne, là où s’amuse la chevauchée du temps qui passe. Ensuite, sans trop se hâter, les lambeaux de l’arrière-saison s’effilochent sur les tristesses grises du ciel. Les rigueurs de l’hiver nous préparent ses offensives à pas de loup. Par une aurore trop-plein de silence, la froidure nous divulgue ses premières morsures sur le drap blanc d’un paysage gisant et muet. Le bout du voyage retour ne manifeste encore aucune sympathie sur les images exprimées par les caprices d’horizons absents sur la mémoire. Faudra-t-il attendre longtemps ainsi sur l’échiquier original des promesses invisibles des gifles du vent ? La patience dissimule des extraordinaires soudains, sur l’aboutissement de ce long voyage. L’invitation d’une innocente brise ne présage-t-elle pas l’approche de parfums inscrits dans l’émotion des premiers souffles de la vie ? Tout ce temps pour poser enfin les pieds sur la terre mère ne se décide pas sur un simple claquement de doigts : une réflexion constante rassure la volonté.

Parvenu au terme de ses explications, Rankei tait son savoureux langage. Ainsi s’impose une salutaire quiétude où rien ne transpire du vacarme des pensées qui se bouscule, malgré leur silence, dans la tête d’Arthur et de Clotaire. Rankei quitte sa place assise et s’apprête à redescendre vers son monastère. Cette attitude instinctive déconcerte nos jeunes amis. Ils restent muets, le regard perdu sur le panorama des montagnes qui porte comme des regrets de leurs discrètes Cévennes. Puis au loin l’immensité bleue trop placide de l’océan, cette frontière où se cachent des artifices, des tromperies. À nouveau, ils se tournent vers Rankei qui semble émanciper sur les traits de son visage rayonnant la pureté d’une révélation. Heureux signal de calme, d’amour, d’espoir, de sagesse quand se consacre sans arrière-pensée la psalmodie d’une oraison muette de bienvenues. Sans élever le ton, il annonce, tel un message d’invitation libre de toutes contraintes : je retourne vers mon monastère, car m’attend en ce lieu le cheminement léger de l’esprit par une longue méditation. Vous pouvez encore admirer les surprises alentour pour vous aider à trouver la prochaine direction de votre destin. Sachez que notre temple peut devenir un accueil franc et sans chaîne. Vous pourrez nous rejoindre, dès que vous sentirez le désir se manifester sans détour en vous. Nous vous compterons parmi nous sans rien vous réclamer de nos obligations monacales comme des laïcs respectueux de nos croyances.

Témoin de ce temporel, maintenant Rankei se tait. L’âme apaisée, il commence la descente vers son lieu de prière. Seul, un simple grincement de pas sur les petits cailloux du chemin empêche le silence d’envahir cette solitude paisible.



Par la force du doute.

  La chronologie des années qui nous occupe : bruyante période, où le repli sur soi s'accommode indécis, à l'unisson des silences ra...